Fake News, Désinformation: Pourquoi on se laisse avoir : Article dans la revue des Patients et proches

J’ai eu l’honneur d’écrire cet article pour la LUSS, la ligue des usagers des services de santé, dont voici le contenu.
Tout le numéro à lire ici sur leur site internet


Dans la société ultra-connectée actuelle, nous ne sommes plus seulement des consommateurs d’informations, mais également de véritables acteurs de la production et de la diffusion de contenus.
Ce qui était il y a encore 15 ans réservé à une élite ayant accès à un pouvoir médiatique est désormais à portée de pouce pour chacun.
Cette formidable avancée pour la diffusion du savoir et la liberté d’expression a un double tranchant puisqu’elle favorise la propagation de contenus faux. Et quand il s’agit de partager une photo chat président des états-unis générée par une intelligence artificielle, cela a moins d’importance que lorsqu’on partage une fausse information dangereuse pour la santé.
(Photo générée par l’IA DALL-E avec le texte “chat président des États-Unis”)
3 responsabilités dans la production et diffusion de fausses informations:
Le facteur humain
Nous sommes tous influencés dans notre manière de capter l’information par nos biais cognitifs, qui sont un ensemble de comportements plus ou moins communs à tous les êtres humains. Les chercheurs en répertorient + de 250, mais certains sont plus importants sur le sujet qui nous occupe:
Le biais de croyance: Tendance à se fier à ses croyances pré-établies.
Le biais de confirmation: Même en faisant des recherches, nous vérifions “mal” l’information en ne prenant en compte que ce qui va confirmer notre croyance.
Le biais d’engagement: Plus l’engagement dans une croyance est fort (en temps, en argent, en énergie dépensée à la défendre…) plus il est difficile de changer d’avis.
Le biais du survivant: Nadine, 94 ans “Moi j’ai fumé toute ma vie, je vais bien”. Cette affirmation ne prend pas en compte toutes les personnes décédées.
Avoir conscience de ses propres biais est la première étape pour adopter une posture plus critique face à l’information.
Le facteur algorithmique
Internet à l’origine devait être un formidable espace de découverte et de confrontation des idées. Avec l’essor des réseaux sociaux, ceux-ci nous ont enfermés dans de ce qu’on appelle des bulles de filtres. Chaque réseau social, pour générer un maximum de revenus, vous montre du contenu qui vous plait, qui renforce vos idées préconçues, vos biais cognitifs… au point où finalement, nous évoluons dans un espace numérique qui est encore plus restreint sur le terrain des idées que dans le monde “réel”.
Si vous croyez qu’il existe une base secrète derrière la lune qui produit des bébés dont le sang est vendu aux Reptiliens de la planète Nibiru, avant internet, vous passiez simplement pour l’original du village et vous restiez isolé… ou vous conformiez à la norme.
Avec internet, vous pouvez trouver une bulle de confort de milliers de gens de par le monde qui croient aux mêmes théories que vous et éviter de vous confronter à d’autres pensées.
Nous ne pouvons pas éliminer complètement ces phénomènes de bulles, mais nous pouvons chacun faire notre maximum pour qu’elles soient les plus larges possibles et surtout que les parois de ces bulles ne deviennent pas des murs.
Le facteur médiatique
Avant internet, et surtout les réseaux sociaux, les médias avaient la possibilité de travailler leurs sujets sur le temps long et pouvaient rentabiliser leur travail journalistique, celui-ci n’étant pas facilement reproduisible, si ce n’est dans l’édition du lendemain d’un journal concurrent.
Aujourd’hui, toute information va être copiée collée, reproduite, en quelques clics, ce qui a fait perdre beaucoup de valeur au travail journaliste.
Les médias, dans une forme de fuite en avant pour garantir leur rentabilité, ont donc misé sur toujours plus de quantité au détriment de la qualité et avec toujours moins de journalistes. Nous pouvons néanmoins inverser cette tendance par nos choix.
A l’instar de ce qui est conseillé en matière de consommation éthique “consommer moins, mais mieux”, il convient en tant que lecteur, spectateur, consommateur d’information, de privilégier également la qualité à la quantité, le marché s’adaptant toujours aux demandes des consommateurs. The Guardian, News UK’s The Times of London et Le Monde en sont le parfait exemple: Ils ont augmenté leur nombre d’abonnés en produisant moins, mais mieux.
Une fois que nous avons pris conscience de ces 3 facteurs, les garder à l’esprit nous permet d’avoir plus de réflexion sur l’information qui nous est diffusée et que nous partageons sur nos réseaux. Nous avons tous une responsabilité dans la diffusion de fausses informations puisque chaque personne qui diffuse une “fake news” est comme une personne qui en contamine une autre. A nous de prévenir les clusters, les super-contaminateurs, et d’avoir des gestes barrières intellectuels pour se protéger… Et protéger les autres.
Ca ne vous rappelle rien ? 😉